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un quotidien... au Tchad

N'est pas cruche qui veut !

Publié le 4 Août 2014 par Choulie

Qui a dit qu’il ne se passait jamais rien au Tchad ? Moi ? Impossible, vous faites erreur !

Le 19 juillet 2014 venait à la Capitale le Président de la République Française, M. François Hollande, plus communément appelé « Son Excellence » par les Tchadiens. Ne travaillant pas à l’Ambassade de France, cette nouvelle a eu peu d’effets sur moi, si ce n’est que j’angoisse déjà des règles de sécurité et de savoir que les rues de la ville seront fermées pour la journée.

Cet état de quiétude va rapidement s’inverser quand le 11 juillet je reçois un appel, en pleine réunion d’équipe, de la responsable de la coopération de l’Ambassade (COCAC pour les familiers) qui me demande si je suis là, au Tchad. Le fait de lui répondre au téléphone aurait dû lui donner une indication, je ne comprends pas où elle veut en venir. Interprétant mon hésitation, elle affine sa question et me demande si je suis là au mois de juillet et surtout le 19. A cet instant j’ai du passer par plusieurs couleurs considérant les regards inquiets de mes collègues. J’ai répondu OUI OUI ! Plus calmement que moi, elle m’annonce que je suis invitée à petit déjeuner avec le PR. Le temps spatio temporel est parti dans une autre galaxie, j’ai quitté mon corps et eu un gros coup de chaud (et rien à voir avec les 40 degrés sahéliens). Ce qui m’a rappelé à la réalité c’est la Cocac me demandant si je suis toujours là, au téléphone cette fois, et si je vais bien. En guise de réponse pertinente je lui réponds : « vous savez j’ai voté pour lui aux 2 tours ». Mais… Julie … tu fais quoi ? Tu peux aussi lui dire à quel âge tu as eu tes premières règles ou le nom de ton premier chat (qui s’appelait Choupette au passage, paix à son âme). C’est quoi ton problème ? Heureusement, c’est une personne délicate qui ne m’a enfoncée plus bas. sûrement qu'elle constate que je le fais très bien toute seule. Elle a conclu la conversation en me disant que je recevrai un carton d’invitation. Après avoir raccroché quelques cris de guerre sont sortis à l’insu de mon plein grès confirmant l’idée auprès de mes collègues que je suis trop bizarre.

Forcément, j’ai crié la nouvelle sur tous les toits du Tchad et de Navarre avec comme réponses : « ah avec ton prénom, il va t’amener des croissants en scotter… » ou pire, certains plus pragmatiques : « Toi ? Mais Julie, comment vas-tu t’habiller ??? C’est pas le chef du village, tes pagnes et sarwel ça ne va pas passer !». OMG, panique à bord. J-8, COMMENT VAIS-JE M’HABILLER ? Ceux qui me connaissent, même un peu, savent bien que je suis une fashion victime. C’est encore pire ici où il n’y a même pas un H&M pour me rattraper. Je prends des tissus bariolés incohérents et je me fais des tenues sur mesure avec ma silhouette de Barbapapa. Avec comme règle : que se soit confortable. Un joli tableau Picasso en somme. Je suis obligée de recourir à des âmes charitables pour m’aider. Trop court, trop décolleté, faut couvrir les épaules, trop étroit. Je me croyais dans Pretty Woman en moins pretty et sans Richard Gere. Pour finir la robe parfaite, élégante et africaine ! Merci Conseillère !

Et finalement, le tant attendu 19 juillet arrive (mais il a pris tout son temps, il y a d’abord eu le 12, puis le 13, ensuite le 14… jusqu’au 19.) Couchée tôt la veille (17h, pour être certaine de ne pas avoir de cerne) mais incapable de dormir. Je sotte de mon lit 4 heures avant mon réveil et c’est parti. Un ami vient me chercher et il nous faut traverser tous les barrages de sécurité. Je brandis fièrement mon carton sur lequel François m’a écrit en lettres d’or qu’il veut manger des croissants avec moi (ok j’exagère un peu…). Mes amis les policiers Tchadiens ont quelques difficultés à nous comprendre. Pas grave, on a pris 3 heures d’avance ! On fini le trajet à pieds car les voitures ne passent pas (oh non les gars, pas cool, les talons et le fond de teint à 40 degrés, c’est bien mais pas top…). On passe la porte de la Résidence de l’Ambassade. On vérifie mon identité et on me demande poliment mon carton. Je le tends avec précaution, mais je comprends avec horreur qu’on veut me le retirer. Ça fait 8 dodos que je dors dessus, c’est impossible. D’une voix angoissée et les yeux mouillés je demande à garder ce bout de papier. Dernière mois, le Grand Capital. Des chefs d’entreprises œuvrant fièrement et sans vergogne pour la FrançAfrique s’en amusent. Reste calme ma fille, ne va pas leur dire à eux aussi que tu as voté deux fois pour lui ou alors parle leur directement de Choupette ! On est accueilli par Mme l’Ambassadrice qui me demande si je vais bien (j’ai si mauvaise mine ?). On attend une heure environ. J’ai le droit à de petites mais récurrentes plaisanteries de la part de convives sur mon niveau de stress. Enfin, IL arrive. Il serre rapidement la main aux premières personnes, dont moi, et enchaîne son discours. Très accès sur la sécurité militaire dans la sous région (plan Barkan) et le développement économique, il ne pipera mot sur le développement social ! Bon orateur, je reste néanmoins attentive jusqu’à la fin mais mon sourire niais d’admiration et d’excitation s’efface peu à peu.

Madame l’Ambassadrice l’introduit ensuite aux 30 invités triés sur le volet. Beaucoup d’entrepreneurs, des généraux, quelques fonctionnaires de l’Ambassade. Et, c’est lorsqu’ils s’approchent de nous (je suis avec un VIE Canal +) que je comprends dans quelle case je suis : « là, ce sont les jeunes ». Certes, avec tous mes cheveux blanc cachés pour l’occasion, je suis flattée d’être vue comme jeune mais je trouve cela un peu stigmatisant. En effet, nous étions deux de moins de 40 ans et 8 femmes seulement. Elle poursuit, « Julie, qui est VSI et représente ce matin les ONG au Tchad ». Ah bon ? Heureuse de l’apprendre, donc je suis dans la case jeune et Ong pratique pour elle 2 en 1. Nous échangeons quelques banalités d’usage : bonjour/ bonjour/ ça fait longtemps que vous êtes là ? ça se passe bien ? blablabla… Rien sur les problématiques sociales au Tchad. Et, au moment de partir, Mme la Diplomate ajoute, « Julie, depuis qu’elle sait que vous venez, fait… des masques aux concombres ». Dans Ce que l’on doit dire à un Président de la République Français chez Albin Michel, édition juillet 2014, p. 47 : « surtout si vous avez l’occasion de placer le mot concombre n’hésitez pas ! ». Je ne sais pas quoi dire et pas de petite voix intérieure pour me conseiller. Le vide. Je n’aurais pas besoin de parler puisque c’est François le bien aimé qui répondra « Ah mais très bien ! Moi aussi je veux un masque aux concombres » HEIN ??? COMMENT ??? BEN VOYONS ! FORMIDABLE ! LE POMPON ! Bon, Julie, il ne te reste plus qu’à rire discrètement en faisant la cruche, ne pas devenir rouge, ce qui pourrait jurer avec ce magnifique tailleur bleu qu’on a prêté et que tu risquerais de craquer à trop t’agiter.

Depuis, j’ai un petit surnom affectueux : Concombre Masqué. A choisir, j’aurais préféré les croissants en scotter…